Un souffle shinobi sur la franchise, entre discrétion, sabre et sang séché.
Avec Naoe, Ubisoft rend ses lettres de noblesse à la furtivité. Le joueur n’est plus un simple touriste historique, mais une ombre, un souffle, un murmure dans les roseaux. Les niveaux sont pensés comme des puzzles d’infiltration : toits pentus, murs fragiles à détruire, planchers qui craquent sous les pas mal assurés. Le sound design joue un rôle crucial — le froissement des kimonos, le sifflement d’un kunai qu’on relâche. On pense à Tenchu, là où la patience et la verticalité faisaient la loi. Ici, la lumière est un ennemi, les saisons, une mécanique. Je ne vais pas vous cacher, le personnage de Naoe est un coup de cœur pour nous de par son charme, son charisme et sa fluidité de combat.
L’hiver, par exemple, ralentit vos mouvements dans la neige, et le bruit attire l’attention des sentinelles. En été, l’herbe haute est votre alliée. Ce genre de subtilité n’avait pas été explorée dans la série depuis longtemps. Ubisoft signe ici un véritable manuel du shinobi.
Yasuke, le samouraï d’origine africaine, est bien plus qu’un bourrin avec une armure clinquante. Son gameplay est ancré dans un code d’honneur, une frontalité assumée. Si Naoe est l’aiguille, Yasuke est le marteau.
Son approche des combats évoque Nioh pour sa lourdeur maîtrisée, et Ninja Gaiden dans ses moments d’explosions de violence brutale. Les postures du sabre, le timing des parades, la lueur du sang sur la lame — tout est chorégraphié avec le soin d’un duel de Kurosawa. Le HUD épuré permet de se concentrer sur les animations, qui frisent parfois la cinématique interactive. Alors que ce personnage devait être l’élément pivot du jeu , on avoue avoir été un peu déçu. Un samouraï noir était inédit mais son côté « balourd qui ne peut pas grimper » nous a refroidi ( même si la complémentarité des personnages est une des subtilités de leur maniement).
Le monde ouvert d’Assassin’s Creed Shadows se concentre sur la région du Kansai, au cœur du Japon du XVIe siècle, en pleine période de guerre civile (Sengoku). Loin des clichés touristiques, le jeu nous propose des villages calcinés, des monastères désacralisés, des routes de montagne infestées de rônins. Le cycle des saisons n’est pas qu’une simple cosmétique : les environnements se transforment. Une infiltration de nuit sous la pluie battante n’a rien à voir avec une approche sous le soleil cuisant d’août.
Les PNJ réagissent au contexte : les paysans fuient, les samouraïs vous ignorent si vous êtes en tenue civile. La société hiérarchisée du Japon est un élément de gameplay en soi. Incarner une femme ninja ou un samouraï noir modifie vos interactions et ouvre (ou ferme) des voies. Si vous voulez voir toutes l’étendue du jeu ,il vous faudra donc jouer avec les deux personnages. Et avec la simplification pour passer d’un personnage à l’autre sur simple pression sur la touche carré quand vous êtes dans le menu d’inventaire ou lors d’un voyage rapide ou encore quand vous êtes dans votre repaire ! Évidemment après avoir fait des dizaines d’heures de jeu d’introduction pour maîtriser les personnages.
Ubisoft a joué la carte du duo, non pas comme gadget narratif, mais comme philosophie de design. Naoe incarne le credo des Assassins : « Rien n’est vrai, tout est permis », et son gameplay favorise l’observation, la patience, la précision. Yasuke, lui, est le symbole de l’évolution d’Assassin’s Creed post-« Origins« , plus centré sur l’action.
Mais ce qui rend Shadows brillant, c’est l’alchimie entre les deux. Certaines missions vous obligent à changer de style en cours de route. Un repaire infiltré par Naoe peut se solder en duel contre un boss en tant que Yasuke. Le rythme est parfaitement calibré, et les transitions sont fluides.
Exit l’aigle-drone des derniers opus : ici, c’est la vision d’aigle revisitée qui prend le relais, un retour bienvenu à l’intuition plutôt qu’à la surveillance high-tech. La jauge de bruit, la gestion de l’équipement (cordes, grappin, poisons), la fabrication de gadgets… On est proche du feeling de Hitman ou Dishonored dans certains segments.
Le level design est aussi plus intelligent : multiples entrées, verticalité assumée, architecture japonaise exploitée jusqu’au bout. On retrouve même le plaisir de la planification, rare dans les derniers jeux Assassin’s creed.
Assassin’s Creed Shadows est plus qu’un jeu Ubisoft. C’est une lettre d’amour à l’infiltration classique, aux jeux comme Tenchu et Ninja Gaiden, et une véritable montée en gamme pour la licence. Ubisoft y réussit un équilibre délicat : narratif, gameplay, et fidélité historique.
-Deux protagonistes radicalement différents mais complémentaires
-Infiltration profonde, à l’ancienne
-Monde vivant, saisons et météo qui impactent le jeu
-Combats intenses, animations saisissantes
-Quelques quêtes secondaires génériques
-L’IA parfois trop rigide ou trop permissive
-Un HUD encore trop bavard malgré les efforts
Jeu disponible dans sa version PS5 et Xbox Serie X 😀